Liberté
Liberté, si tu veux dire, tais-toi, je parle,
quand tu demandes qu’on emprisonne
l’être différent, celui qui nous fait peur,
qui est, qui fait, je ne sais quoi… Je parle
Quand, liberté, tu imposes l’avenir
au prix du jour d’aujourd’hui,
Quand, liberté, tu m’imposes de me refermer,
les yeux rivés sur un écran qui ferme les fenêtres du monde,
Quand arracher la langue des autres nous aide à dormir
Quand toi, liberté, tu nous fais
manger sans discernement,
Quand nous écartons nos restes, dans le
pli d’un journal qui tait la faim
Quand, toi, liberté tu nous fais
oublier tout ce qui nous rend libre, nous isole,
et nous rend esclave de chaque jour,
Quand, liberté, tu exiges que
l’autre vienne nous libérer
de nos angoisses sacrées
Quand toi, liberté, tu plaques-mur mes opinions,
et m’entoures de tes ailes,
sans que personne puisse te saisir,
Quand, liberté, tu me protèges
des idées trop différentes des miennes,
Quand tout va de soi pour moi
lors que l’autre ni comprend rien
Alors ce qui tombe pile pour moi
tombe face pour un autre
Alors, liberté, tu n’es que vent,
Tu n’es qu’arbitraire
Et pourtant il me sera sans doute permis
de renoncer à un brin de cette liberté si chère,
– pour un peu de temps ou pour plus longtemps-
– sans imposer rien, bien entendu-
pour libérer cet autre que j’ai peur d’écraser.
Marion Bloem
French translation by Nanette Neuwahl